Avec la transformation digitale en cours, les cabinets d'expertise comptable font face à de nouveaux défis et opportunités. L'évolution des attentes des clients met l'accent sur le conseil et l'accompagnement. Cela nécessite une adaptation des méthodes de travail. La sous-traitance apparaît comme une solution stratégique pour répondre aux fluctuations d'activité et accéder à des compétences spécifiques.
Cet article explore les conditions juridiques qui entourent la pratique de la sous-traitance pour les experts-comptables.
Sous-traitance vs co-traitance : quelle différence ?
La question de la distinction entre sous-traitance et co-traitance se pose souvent. Avant d'entrer dans les détails, il est essentiel de comprendre que les termes "sous-traitance" et "co-traitance" sont interchangeables. Les deux concepts désignent la collaboration entre professionnels, qu'ils soient membres de l'Ordre des experts-comptables ou de la Compagnie des CAC.
Conditions juridiques de la sous-traitance : un cadre rigoureux
La sous-traitance chez les experts-comptables est encadrée par l'article 20 de l'Ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945. Cet article interdit à un expert-comptable de sous-traiter à un non expert-comptable des travaux qui relèvent de sa prérogative exclusive d'exercice. Cette restriction garantit la transparence financière et la conformité aux obligations fiscales, sociales et administratives.
Une décision récente de la Cour de cassation (arrêt du 4 octobre 2022) clarifie ces conditions. La Cour de cassation affirme que l'expert-comptable ne peut déléguer des activités comptables, y compris la simple saisie comptable, à un sous-traitant non inscrit à l'Ordre. Même l'externalisation de la tenue de comptabilité et l'établissement des déclarations fiscales sont interdites. Même si cette position semble justifiée, elle ne va pas de soi dans la mesure où ces activités ne sont pas explicitement réservées à l'expert-comptable.
Cette clarification souligne l'importance de cadrer strictement la sous-traitance pour respecter les réglementations. La jurisprudence a confirmé que la sous-traitance d'activités comptables à un non-inscrit constitue un délit d'exercice illégal. Les risques incluent la requalification en contrat de travail et des conséquences graves pour l'expert-comptable.
Experts-comptables et sous-traitance : les directives de l’Ordre
Les conditions juridiques de la sous-traitance sont également définies par l’application BBusi à l’initiative de l'Ordre des experts-comptables de la région Paris Île-de-France. Ces règles visent à encadrer légalement les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants. Parmi les points clés :
- Inscription à l’Ordre : Sous-traitants et donneurs d’ordre doivent être inscrits à l’Ordre des experts-comptables ou à la compagnie des commissaires aux comptes.
- Responsabilité du donneur d'ordre : Le donneur d’ordre reste maître de la relation avec le client et assume l'entière responsabilité de la mission.
- Transparence : Le client doit être informé de la sous-traitance par le biais d'une lettre de mission signée par le client et le donneur d’ordre.
- Contrat de prestation : La facturation s’effectue entre le client et le donneur d’ordre, avec un contrat de prestation détaillant la relation entre le donneur d’ordre et le co-traitant.
- Respect des règles de la profession : La co-traitance doit respecter les règles de la profession, notamment le secret professionnel.
- Indépendance vis-à-vis du client : Donneur d’ordre et co-traitant doivent maintenir leur indépendance vis-à-vis du client.
- Compétences obligatoires : L'obligation de compétences liée à la profession s’applique aux missions de co-traitance.
- Contrats d'assurance : Le donneur d’ordre doit vérifier que la sous-traitance est autorisée dans ses contrats d’assurance.
- Respect de la déontologie : Les parties s'engagent à respecter l’obligation de loyauté et de confraternité.
- Règlement des différends : En cas de désaccord, l’Ordre des experts-comptables ou la Compagnie des Commissaires aux comptes ont compétence pour engager une conciliation.
Remarque : Les experts-comptables sont invités à considérer attentivement les conditions contractuelles de la sous-traitance. Le Conseil supérieur de l'Ordre a élaboré un exemple de contrat de sous-traitance pour expert-comptable : exemple de contrat de prestations de services entre experts-comptables. |
Chiffres de la sous-traitance dans le secteur comptable
L'Insee estime que les entreprises du secteur comptable ont externalisé 8,5 % de leur activité en 2017, représentant environ 1,5 milliard d'euros. Cependant, une étude du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables avance que la part de la sous-traitance dans le chiffre d’affaires des cabinets serait un peu plus de 3 %. Cette divergence soulève des interrogations quant à la véritable ampleur de la sous-traitance dans le secteur.
Selon l’Insee, plus de 90 % de cette sous-traitance concernerait des activités comptables. Ces opérations se dérouleraient principalement entre cabinets d'expertise comptable indépendants. Ces chiffres soulignent la prévalence et l'établissement de la sous-traitance dans le secteur comptable.
Couverture d'exercice illégal : un risque à éviter
La couverture d'exercice illégal se produit lorsqu'un expert-comptable inscrit au tableau de l'Ordre valide, sans vérification préalable, les travaux réalisés par une personne non-membre. Dans cette hypothèse, l'expert-comptable n'effectue pas de réelle mission de conseil et de supervision.
Ce manquement est sanctionné au même titre que l'exercice illégal (c. pén. art. 121-6 et 121-7) et peut également entraîner des sanctions disciplinaires.
Il est à noter que la couverture d'exercice illégal est similaire à la complicité, mais distincte. La complicité d'exercice illégal implique de permettre délibérément et en toute connaissance de cause l'exercice illégal de la profession.
Focus sur la sous-traitance chez les commissaires aux comptes
Les règles de collaboration externe pour les commissaires aux comptes sont définies par l'avis du H3C du 24 juin 2010. Les personnes pouvant intervenir comprennent des commissaires aux comptes, experts-comptables et salariés d'entités constituées entre des commissaires aux comptes et/ou des experts-comptables.
La collaboration externe doit respecter les règles du commissariat aux comptes, notamment en termes de déontologie et d'indépendance. La collaboration doit être contractualisée dans un document précisant les travaux délégués et les conditions de réalisation. La collaboration externe ne peut pas être utilisée systématiquement, mais doit être un moyen de pallier un problème de ressources dans des situations particulières.
Conclusion
La sous-traitance dans l'expertise comptable est un phénomène complexe soumis à des règles strictes. La récente décision de la Cour de cassation interdit notamment la délégation d'activités comptables à des non-inscrits à l'Ordre. Les directives de l'Ordre des experts-comptables détaillent les règles de la co-traitance. L'externalisation demeure stratégique, mais exige une compréhension approfondie des cadres légaux et déontologiques pour prévenir les risques.
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